A Sainte-Livrade, chacun a reconstitué son « coin d’Asie », une parcelle du passé perdu. Ainsi, non loin de la chapelle catholique, une pagode a été aménagée par les bouddhistes du C.A.F.I. Adeptes d’un bouddhisme hétérodoxe, des femmes y perpétuent le culte aux Génies du Nord-Viêtnam, un culte vietnamien de possession (Lên dông). Un rite unique en Europe. La fréquentation de la pagode était à son apogée de 1956 aux années 1975-1980. Elle a ensuite décliné suite à la disparition et au vieillissement des Ba Dong. La pagode est actuellement inutilisée et est dans un état de délabrement. Sa rénovation sera terminée au printemps 2014 et la pagode fera partie intégrante du lieu de mémoire du camp.
A l’intérieur de la pagode se trouvent le temple des Génies des Quatre-Palais, son Panthéon et ses représentations. Une Ba Dong (servante des Génies) offre une cérémonie où s’incarnent les différents Génies. Un plateau d’offrandes aux âmes errantes est préparé, les vêtements des Génies que revêtira la Ba Dong sont repassés.

Les fidèles en prière. Au premier rang, de gauche à droite : Mmes Kasparian, Tam, Gaye, Guermier, Chalumeau, Ty ; deuxième rang, de gauche à droite : maman de Mme Crasbercu, ????, Chau, Lecrenn, Sassi, Lay, Le Van Ra, mémé Rubillais ; troisième rang, de gauche à droite : Mmes Parquier, ????, mémé Henri, Guyon de Chemilly, Pataki ; quatrième rang, de gauche à droite : Mmes Gervais, Guène, Diop, Martin, Savary, ???? ; au fond : MM Lamy (assis), Lecoury, Mme Gaspard, mémé Lejeune.

En prière et se cachant le visage sous le voile rouge de la prise de possession, la Ba Dong est tour à tour possédée par plusieurs Génies. Au second plan, on reconnaît Mmes Martin, Revue, Isnard. © Gluntz
La pratique consiste à organiser des cérémonies pendant lesquelles les Génies seront sollicités pour qu’ils s’incarnent. La pratiquante est alors possédée par l’esprit qu’elle invoque. Pendant toute la cérémonie, le public, composé d’autres invités, pratiquants et adeptes, participe à plusieurs niveaux. Il contemple la venue des divinités, les vénère, leur fait des offrandes, dialogue avec elles pour solliciter la sérénité dans la vie (situation familiale, santé, prospérité…) et, éventuellement, une divination à propos d’une question plus concrète. Les Génies descendent un par un, en la personne qui sert, sollicités par les musiciens et les acolytes. Chacun des Génies siège, donne des conseils, officie, exprime en quelques minutes les traits les plus marqués de son caractère, de sa vie ou de son histoire… puis s’en va pour permettre à un autre génie d’apparaître…

La Ba Dong habillée par les pratiquantes. Les musiciens sont à l’arrière-plan. © Gluntz
Les musiciens chantent des louanges aux divinités, les invitent à venir, décrivent leur vie avec leurs pouvoirs et leur générosité, chantent également l’obéissance du public pratiquant. Ils chantent surtout au nom de la personne qui sert, qui a organisé la cérémonie à la gloire des Génies. Chaque divinité a sa propre musique et son texte particulier, aucune erreur ne doit être commise, aucune parole ne doit être mal placée, pour le bien-être des divinités, du public, du temple et de la personne qui sert.
Le reportage papier, Un coin d’Asie sur une terre française (4 pages), que vous allez lire, date de 1963. Il a été réalisé grâce aux travaux de Pierre-Jean Simon et Ida Simon-Barouh, chercheurs au CNRS, qui ont séjourné pendant plusieurs mois au C.A.F.I. cette année-là. Ils ont aussi tourné un documentaire de 52 minutes sur le culte des Génies. Vous pouvez regarder un extrait de 15 mn de ce film à la rubrique «La presse et le C.A.F.I.».
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