Mémoire effacée ou Mémoire préservée

Le CEP-CAFI, dans sa charte en 2005, a inscrit un double objectif : la défense pleine et entière des droits des rapatriés français d’Indochine oubliés par l’Etat et l’édification d’un lieu unique de la mémoire indochinoise au CAFI de Sainte-Livrade-sur-Lot . Après la rénovation du CAFI de 2005 à 2015, le CEP-CAFI a dû se battre pour  préserver un petit espace de 1700 m2 dans lequel se trouvent  5 bâtiments anciens en état de délabrement dont 2 ont été rénovés seulement (chapelle et pagode) . Cet espace mémoriel a été acté par la Direction Régionale d’Art et Culture d’Aquitaine (DRAC)  comme monument historique en  juin 2019. Depuis plusieurs années, les autorités territoriales, faute de trouver des fonds nécessaires à la rénovation de ces 3 bâtiments, les  laissent  en état de ruine. Pour préserver la mémoire de nos parents rapatriés d’Indochine, le CEP-CAFI a érigé en 2016 le triptyque mémorial sur lequel sont gravés les noms de nos parents arrivés en 1956 au CAFI. C’est notre devoir d’honorer nos mères qui, durant leur séjour dans ce camp, ont sacrifié leur vie entière pour nous afin que nous puissions nous intégrer dans la société française. Notre réussite, nous la devons aux sacrifices de nos mères. Et en 2022, nous avons élaboré le Plan relief  représentant les anciens bâtiments et un groupe de mamans en train de travailler. Ce sont les seules traces visibles après la destruction du CAFI et la disparition de nos mères. Mais depuis quelque temps , un grain de sable est venu troubler cette mémoire que nous sommes en train de façonner avec son histoire. Je voudrais parler d’une association, l’UDACVG 47, association militaire qui n’a aucune histoire d’attache  avec le CAFI et qui n’a jamais mis le pied au CAFI depuis 1956, s’arroge le droit de s’implanter au CAFI avec la bénédiction d’un membre de la municipalité sous prétexte que celle-ci pourrait trouver des fonds nécessaires pour la rénovation  de ces  3 bâtiments restants. Dans son projet, elle  veut occuper un bâtiment entier de 500 m2  pour déposer ses archives de guerre de 14-18 , de 39-45. Le CEP-CAFI n’a rien contre les militaires mais ce lieu est un symbole de mémoire à préserver pour honorer nos mères avant tout mais aussi tous ceux qui ont une histoire inscrite dans ce camp. Nos mères ont connu la guerre en quittant le Vietnam, elles ont connu l’occupation par la présence des CRS en voulant seulement demander de meilleures conditions de vie dans ce camp, elles ont subi le décret Morlot en 1959 (décret indigne : interdiction de sortir du camp sans autorisation de l’administration centrale, de posséder un signe de richesse : voiture , télévision…, c’était l’expulsion immédiate de toute la famille ). En plus,  l’Etat a confisqué leurs droits en tant que rapatriés  d’Indochine en changeant leur statut, puisque le Centre d’Accueil des Rapatriés d’Indochine (CARI)  depuis leur arrivée au camp en 1956 est devenu le Centre d’Accueil des Français d’Indochine (CAFI ) avant la première loi sur les rapatriés votée en 1961. Ce glissement sémantique permet à l’État d’ôter toute possibilité à ces rapatriés d’Indochine de se revendiquer comme rapatriés. C’était le premier effacement de la mémoire de nos mères par l’État et nous ne voulons pas que cette  mémoire soit volée une seconde fois. Nous demandons à l’UDACVG 47 de retirer son projet et que le comité de pilotage réfléchisse sur le devenir de ce projet mémoriel du CAFI où son  histoire ne doit pas être effacée. 
Anciens enfants et amis du CAFI, mobilisons-nous pour nous opposer à la présence des militaires dans le lieu de mémoire de notre CAFI.
Daniel FRECHE, président du CEP-CAFI

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