Discours du CEP-CAFI à Sarcelles

Lors de la cérémonie de la commémoration de la guerre d’Indochine à Sarcelles, le président du CEP-CAFI, M. Daniel Frèche, a prononcé un discours sur les conséquences de la fin de colonisation de l’Indochine.
« Bonjour monsieur le Maire, mesdames, messieurs,
Nous vous rappelons qu’après la défaite de Dien Bien Phu et les accords de Genève en 1954, les Rapatriés français d’Indochine ont dû quitter le Nord du Vietnam pour suivre le Corps expéditionnaire français en Extrême-Orient (CEFEO) vers le Sud et s’installer dans les premiers camps provisoires, près de Saigon. Après 2 ans de vie dans ces camps aux conditions déplorables, ils furent rapatriés en 1956 par bateau, dans des cales, pour rejoindre la mère patrie. La plupart de ces rapatriés étaient des veuves d’origine vietnamienne mais de nationalité française. Ces rapatriés ont séjourné pendant de longues années dans des camps avec des conditions indignes sans hygiène, sans chauffage, oubliés de toutes les législations sur les rapatriés depuis la loi du 26 décembre 1961. Celle-ci donnait une définition juridique aux rapatriés et prévoyait des dispositifs d’assistance, de solidarité et d’aide à l’insertion en leur faveur. Avant le vote de la loi de 1962, le Centre d’Accueil des Rapatriés d’Indochine (CARI) était devenu le Centre d’Accueil des Français d’Indochine (CAFI). Ce changement de statut leur enlevait le droit de se revendiquer comme des Français rapatriés dans les termes de la loi de 1961. C’est ainsi que, pour nous, les rapatriés d’Indochine se voyaient privés des dispositifs d’assistance, de solidarité et d’aide à l’insertion en leur faveur de la loi de 1962 et de toutes les lois suivantes votées seulement en faveur des rapatriés d’Algérie.
A leur arrivée en France, les familles des rapatriés d’Indochine des camps de Bias, de Sainte-Livrade-sur-Lot et de Noyant-sur-Allier ainsi que les familles des harkis ont vécu dans les mêmes conditions, ont été administrés par les mêmes ministères et soumis dans les premières années au même arrêté Morlot, qui les privait de leurs droits et libertés. Pour sortir du camp ou pour recevoir des invités, il fallait demander l’autorisation centrale. Posséder un poste de télévision ou une voiture pour aller travailler c’était un signe de richesse, l’administration centrale pouvait expulser toute la famille entière. Et quand ils manifestaient en 1959 pour demander de meilleures conditions de vie, l’administration centrale leur envoyait 3 escadrons de CRS pour encadrer le camp de Bias et de Sainte-Livrade-sur-Lot. L’administration a ainsi déplacé les rapatriés récalcitrants vers les centres urbains et en particulier à Sarcelles (quartier Lochères), à Ermont dans le Val-d’Oise. A cette époque, ils ont rencontré les mêmes comportements, au mieux méfiants, au pire hostiles, des habitants de cette banlieue. Ils ont connu les mêmes difficultés pour devenir des Français pleinement reconnus dans leurs droits, avec des douleurs souvent transmises d’une génération à l’autre.
La Loi du 23 février 2022 portant reconnaissance de la Nation envers les harkis et les autres personnes rapatriées d’Algérie anciennement de statut civil de droit local et réparation des préjudices subis par ceux-ci et leurs familles, du fait de l’indignité de leurs conditions d’accueil et de vie dans certaines structures sur le territoire français, a marqué une étape importante et attendue pour notre mémoire collective. La France a enfin reconnu sa responsabilité du fait des conditions indignes de l’accueil sur son territoire d’une partie de sa population, ayant entraîné privations, atteintes aux libertés individuelles, exclusion, souffrances et traumatismes durables. Cette étape nécessaire a encore une fois laissé de côté les familles des rapatriés d’Indochine ayant subi le même sort.
Les associations des rapatriés d’Indochine sont intervenues auprès de Mme Mirallès, secrétaire d’Etat auprès du ministres des Armées, chargée des Anciens Combattants et de la Mémoire, pour demander la réparation de l’injustice de traitement qu’ont subi les rapatriés d’Indochine. Mais jusqu’à maintenant, aucune réponse favorable nous est parvenue. Nous avons écrit à tous les groupes de députés et de sénateurs pour leur demander de rédiger un texte de loi identique à celle des Harkis qui a pour objectif de réparer une égalité de traitement et de faire bénéficier les rapatriés d’Indochine de la même reconnaissance et des mêmes réparations que celles accordées il y a 2 ans aux Harkis.
Nous tenons à remercier monsieur le Député Olivier Faure qui, après nous avoir reçus et écoutés à l’Assemblée nationale, a accepté de rédiger un nouveau texte de loi pour les rapatriés d’Indochine. Nous demandons à nos concitoyens d’intervenir auprès de leurs députés et sénateurs pour que cette loi puisse être votée en faveur de ces rapatriés qui réclament depuis 1954 un traitement juridique identique afin qu’ils soient reconnus et rétablis dans leurs droits.
Je remercie monsieur le Maire de Sarcelles, M. Patrick HADDAD, ainsi que les membres de son conseil municipal, de m’avoir accordé cette intervention au cours de cette journée de commémoration sur la guerre d’Indochine et ses conséquences.
Je remercie aussi M. Martial BEAUVILLE, qui s’excuse pour son absence aujourd’hui à cause de son déplacement en Angleterre et qui me permet d’être là pour évoquer avec vous cette histoire douloureuse qu’ont vécue les rapatriés d’Indochine. »

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